Un bien acquis au moyen de fonds provenant de la vente d’un propre

Cour de Cassation, première chambre civile, 8 octobre 2014, n° 13-24.546

L’article 1406, alinéa 2, du code civil indique que forment des propres, par l’effet de la subrogation réelle, les créances et indemnités qui remplacent des propres ainsi que les biens acquis en emploi ou en remploi conformément aux articles 1434 et 1435 du code civil.

Cet article prévoit uniquement la nature du bien acquis au moyen de fonds provenant de la vente d’un bien propre en cas de déclaration d’emploi ou de remploi.

Mais qu’en est-il en l’absence d’une telle déclaration ?

Dans cette affaire, un époux commun en biens avait vendu, en cours d’union, un immeuble lui appartenant en propre pour se servir du prix de vente pour réaliser son apport à la constitution d’une société civile immobilière (SCI), apport en contrepartie duquel plusieurs parts sociales lui ont été attribuées.

À la suite du prononcé du divorce, une contestation s’est élevée à propos de la qualification de ces parts sociales.

L’épouse considérait les parts de la SCI comme faisant parties de la communauté.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans son arrêt du 21 mars 2013, va considérer que la nature des parts attribuées en contrepartie de l’apport de fonds issus d’un bien propre s’analyse comme une créance sur la société que l’époux apporteur détient en propre.

Ainsi la Cour d’appel d’Aix en Provence considère que le bien acquis par des fonds issus de la vente d’un propre sans clause d’emploi ou de remploi est propre audit époux.

La première chambre civile censure cette décision au visa des articles 1406 et 1434 du code civil, considérant, d’une part, qu’à défaut de déclaration de remploi lors d’une acquisition réalisée avec des deniers propres à un conjoint marié sous le régime de la communauté, les biens acquis ne prennent, par subrogation, la qualité de propres dans les rapports entre époux que si ces époux sont d’accord pour qu’il en soit ainsi, d’autre part, que des parts de SCI acquises par un époux en cours d’union en rémunération d’un apport en numéraire ne peuvent, à défaut d’accord entre les époux, prendre la qualité de propres de l’époux acquéreur.

La solution adoptée par la Cour de cassation dans son arrêt du 8 octobre 2014 se justifie par le fait que l’opération réalisée par l’époux acquéreur, à savoir la vente d’un bien propre pour acquérir, avec le produit de cette vente, un autre bien, en l’occurrence des parts de SCI s’agissant de l’espèce ayant donné lieu à cette décision, ne participe pas des cas de subrogation réelle de plein droit visés par l’article 1406, alinéa 2, du code civil, à savoir les créances et les indemnités qui remplacent des propres, auxquels il est possible d’ajouter l’échange d’un bien propre prévu par l’article 1407, dans le cadre duquel le bien fourni en échange du propre doit être considéré comme un bien propre de l’époux ayant réalisé l’échange.

À partir de là, la subrogation réelle, qui aurait été de nature à conférer aux parts sociales acquises par un époux au moyen de fonds provenant de la vente d’un propre la qualité de bien propre, était subordonnée à une déclaration de volonté, soit sous forme de déclaration de remploi de l’époux qui est à l’origine de l’acte, soit sous forme d’accord entre les époux.