La robe

« La robe
Et c’est alors que vous la porterez.
Des plus modestes défenses du quotidien, jamais mineures, au plus solennelles, voire au plus tragiques, vous porterez cette robe noire à rabat blanc.
Elle devient ainsi un point ultime, singulier, quelquefois sublime d’un nouveau parcours professionnel qui, du conseil au constructeur de concepts et de systèmes juridiques, se prolonge par le traitement d’une pathologie inéluctablement liée à la Défense.
Vous la revêtirez alors comme un manteau sur vos épaules pour faire route vers la recherche de la vérité.
Il est bien vrai qu’il n’y aura, à cet instant, aucune inégalité de position sociale, mais égalité de mission, de ferveur partagée.
Elle sera fidèle, et s’il vous arrive de l’oublier, elle sera là, toujours étant même, parce qu’elle vous est si proche, nourrie de votre odeur et de vos émotions.
Délicatement posée au fond d’un vestiaire, rageusement jetée en bout d’un fond d’un coffre, non seulement vous ne lui en voudrez jamais, mais elle vous protègera toujours car elle sait bien, elle, s’il nous arrive de l’oublier, ou de ne l’affirmer que sur un mode incantatoire, qu’il n’y a pas de démocratie sans justice, ni de justice sans défense.
Vous vieillirez ensemble; elle sera accablée et ravie avec vous, sachant malgré tout conserver plus que vous cette réserve et cette distance indispensable à toute élévation de pensée.
Elle ne vous interrompra jamais, conservant un sourire dans les plis de son visage, car dans le dialogue permanent que vous entretiendrez avec elle, elle sait bien que vous souhaitez avoir toujours raison.
Elle poussera même l’habileté en gommant les disgrâces de la nature et du temps à nous faire croire que nous sommes beaux, et avons toujours 20 ans.
Et puis, quand le moment sera venu, si nous l’avons souhaité car elle n’exige rien, elle viendra se poser sur nous pour réchauffer encore les premiers pas de notre dernier voyage. »
Monsieur le Bâtonnier Gérard CHRISTOL